Cri du coeur dans le monde de l'éducation

Québec, samedi 18 octobre 2014 – (SHERBROOKE) Faute de financement, l’Association québécoise des professeurs de français (AQPF) pourrait disparaître après 47 ans d’existence, selon la présidente sortante, Suzanne Richard. Les effets des coupes se font sentir dans le milieu de l’éducation, et pourraient se faire ressentir pendant longtemps, risquant du même coup d’anéantir ce qui a été fait jusqu’ici pour lutter contre le décrochage scolaire, déplore Mme Richard.

«On est en train de déconstruire tous les efforts qui ont été mis en place», estime également la professeure Julie Myre Bisaillon de l’Université de Sherbrooke.

La Tribune révélait vendredi que le Salon du livre de l’Estrie a enregistré une baisse de 600 élèves, jeudi et vendredi, en raison des efforts de rationalisation qui se reflètent dans les sorties culturelles.

L’AQPF, dont le congrès se tenait cette semaine à Sherbrooke et s’est terminé vendredi, est elle-même touchée de plusieurs façons, précise Mme Richard. L’organisme sans but lucratif, qui permet notamment d’assurer la formation continue d’enseignants et de conseillers pédagogiques, a appris récemment qu’elle perdait la subvention qu’elle recevait. «D’ici deux ans, on met la clé dans la porte si on ne reçoit pas d’aide», commente Mme Richard, se désolant du même coup de l’importance accordée à la formation continue des professeurs.

L’AQPF regroupe des membres du primaire à l’université. «À l’époque où on dit que la langue, c’est important, je trouve ça inquiétant. Ça ne me console pas de me faire dire que c’est comme ça partout», dit-elle en citant les propos du sous-ministre adjoint qui lui a annoncé la mauvaise nouvelle pour le financement.

L’organisme a aussi vu le nombre de participants à son congrès diminuer de façon importante au fil des ans. «C’est un congrès très important pour la formation continue. Les professeurs qui repartent aujourd’hui peuvent appliquer certaines choses dans leurs classes lundi», illustre-t-elle. Faute de moyens, des employés de commissions scolaires ont dû annuler leur participation.

Suzanne Richard, qui est aussi chargée de cours à l’Université de Sherbrooke, n’est pas tendre envers le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc. Au cours des dernières semaines, les commissions scolaires ont dû faire des choix difficiles en raison des efforts budgétaires demandés par Québec, parmi des mesures ciblées par le ministère de l’Éducation. Or, lorsque les organisations sabraient à un endroit et que le choix suscitait un tollé, on demandait ensuite aux commissions scolaires et aux écoles de ne pas couper dans cette mesure. Ça a été le cas notamment pour l’achat de livres, l’aide aux devoirs… «On ne peut pas dire une chose et son contraire… J’ai des amis directeurs d’école, ils s’arrachent les cheveux.»

«Comment se fait-il qu’on mette un médecin à la tête du ministère de l’Éducation?» lance-t-elle.

«À long terme, on est en train d’en prendre plein la gueule – excusez-moi l’expression – au chapitre des mesures sociales. Si on regarde la petite enfance, ce sera un vrai désastre. On sait qu’il aurait fallu investir…», estime Julie Myre Bisaillon, qui s’intéresse entre autres à l’éveil à la lecture et l’écriture pendant la petite enfance.

«Socialement, le Québec ne fait pas les bons choix à l’heure actuelle. On sait que l’accès aux livres est un enjeu majeur en éducation. Les études sont claires : plus une population est lettrée, plus elle est en santé.»

Le couperet ne cesse de s’abattre alors qu’un rapport de l’OCDE démontrait récemment qu’un Québécois sur cinq est analphabète. «On est l’avant-dernière province au Canada en termes d’alphabétisation. C’est là où il faut investir», indique Mme Myre Bisaillon. Plusieurs initiatives ont été mises en place, ces dernières années, afin de lutter contre le décrochage scolaire, qui était particulièrement élevé en Estrie.

Isabelle Pion
La Tribune

Source : Ma presse