Suzanne Richard

Québec, jeudi 19 juin 2014 – Une lettre écrite par la présidente de l’AQPF, Suzanne Richard avec Érick Falardeau, président de l’AIRDF en faveur du développement d’une culture de formation continue publiée dans le journal Le Soleil.

Érick Falardeau, Suzanne Richard

Président de l’AIRDF-Québec (Association internationale pour la recherche en didactique du français) et présidente de l’AQPF (Association québécoise des professeurs de français)

 

Un avis fort important du Conseil supérieur de l’éducation1, publié le 3 juin dernier, concernant le développement professionnel des enseignants a malheureusement été occulté par le budget provincial et d’autres faits divers funestes. Cet avis réaffirme la nécessité de développer une culture de la formation continue et l’importance de chercher à parfaire ses compétences tout au long de sa carrière. Il réitère la volonté de renforcer l’autonomie professionnelle des enseignants, intention qui était au coeur de réforme de la formation des enseignants en 1995 avec l’instauration du baccalauréat de quatre ans.

Vingt ans plus tard, peut-on dire que cette autonomie s’est réalisée? Aucunement. Les enseignants du primaire et du secondaire sont de moins en moins considérés comme des professionnels. Les nouveaux enseignants sont plus précaires que jamais, et ce, pour plusieurs années, en plus d’être soumis à des tâches impossibles vu leur manque d’expérience.

Les évaluations ministérielles freinent les initiatives et les enseignants ont de moins en moins d’autonomie dans la planification de leur année scolaire en raison des contrats de performance, des cibles de réussite, des plans de lutte contre la violence à l’école, des projets éducatifs, de l’intégration des élèves en difficulté et des plans d’intervention qui les accompagnent.

Tout se décide au-dessus d’eux: au Ministère, dans le bureau des directions d’école, dans les commissions scolaires. Manifestement, la formule retenue depuis des décennies dans laquelle les syndicats sont les seuls porte-paroles des enseignants n’a pas porté les fruits escomptés pour accroitre leur autonomie professionnelle, leur image, leur statut symbolique auprès de la population et des autres professions liées à l’enseignement.

Si un ordre des enseignants pourrait s’avérer une mesure utile pour donner une nouvelle voix aux enseignants, il faut aussi leur donner de meilleurs moyens d’évaluer leur travail que les résultats de leurs élèves aux examens. Cette évaluation de l’enseignement est déjà obligatoire dans les cégeps et les universités du Québec. Elle aide chacun à s’améliorer à l’aide de données directement liées à son travail, pas aux résultats de ses élèves. Une telle évaluation se met au service du professionnel et de ses élèves, pas uniquement à celui du patron.

La reconnaissance de la formation continue devrait également être davantage valorisée, notamment à l’aide d’incitatifs financiers auxquels les syndicats ont renoncé il y a plus de dix ans pour que tous les enseignants soient considérés sur un même pied. On ne voulait pas, à l’époque, que les enseignants suivant des programmes universitaires de 2e cycle par exemple soient davantage valorisés financièrement que les autres. Ces choix politiques et idéologiques des syndicats nous ont mené à une situation où la formation continue est quasi anémique dans les écoles, situation pour le moins étrange dans un milieu d’éducation.

 

Comme le mentionne l’avis du CSÉ, le problème n’appartient pas qu’aux enseignants, aux commissions scolaires, aux syndicats, à l’université ou au Ministère. La question de la formation continue est aussi étroitement liée à celle de l’ordre professionnel, car ce qui est en jeu, ce ne sont pas les conditions de travail, mais la profession elle-même, que les syndicats ne réussissent pas à eux seuls à défendre si l’on constate l’ampleur de la détresse que vit le corps enseignant.

 

*1 CSÉ (2014). Le développement professionnel, un enrichissement pour toute la profession enseignante. http://www.cse.gouv.qc.ca/